Cours d'Optique Géométrique chapitre 1




FONDEMENTS DE L’OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE

1.1 Cheminement des idées en optique
1.1.1 Objet de l’optique


L’optique s’intéresse principalement à l’ensemble des phénomènes perçus par l’œil. La cause de ces phénomènes est la LUMIÈRE . Celle-ci est émise par la matière dans certaines conditions et se manifeste par son action sur divers récepteurs :
l’œil, 

 la plaque photographique : elle amorce une transformation chimique de sels comme les halogénures d’argent.
une lame métallique noircie : celle-ci s’échauffe ce qui montre que la lumière transporte de l’énergie(utilisée, par exemple, dans les chauffe-eau solaires).
certains métaux ou semiconducteurs : ils émettent des électrons par effet photoémissif utilisé, par exemple, dans les tubes photomultiplicateurs, dans les tubes vidicon ou orthicon des caméras de télévision, ou sont le siège, par effet photoélectrique de la création de paires électron-trous utilisées dans les dispositifs à transfert de charges (C.C.D.) des caméscopes modernes ou dans les photopiles.

Alors même que l’œil ne perçoit plus rien, certains récepteurs donnent lieu à des phénomènes analogues à ceux observés lorsqu’ils sont éclairés en lumière visible(échauffement, réactions photochimiques, photo émission ...). Cette partie non visible à l’oeil de l’optique couvre les domaines de lumière INFRAROUGE et ULTRAVIOLET.

 
1.1.2 Bref historique

La lumière a été étudiée très tôt dans l’histoire des sciences, tant du point de vue de sa propagation que du point de vue de sa nature.

Au Ier SIECLE les lois de la réflexion par un miroir étaient connues des Grecs. HERO d’ALEXANDRIE affirmait qu’ ”un rayon lumineux quittant un point S, puis se réfléchissant sur un miroir pour parvenir à un point M, parcourt dans l’espace le plus court chemin possible” .

Au siège de Syracuse, ARCHIMEDE utilisait des miroirs paraboliques pour incendier les navires ennemis.

Au XVIIe SIECLE furent établies les lois de la réfraction (passage de la lumière à travers deux milieux transparents différents: air/eau, eau/verre ...).
1621 Découverte des lois par SNELL (qui ne les publie pas).
1637 DESCARTES retrouve indépendamment les mêmes lois et les publie.
1657 FERMAT retrouve ces lois à partir du principe selon lequel la lumière met un temps minimal pour aller d’un point à un autre. Comme celles de la mécanique,les lois de l’optique géométrique se présentent alors sous forme variationnelle.

C’est un peu plus tard qu’apparurent les premières hypothèses relatives à l’aspect ONDULATOIRE de la lumière.
1665 HOOKE émet l’idée que la lumière est une vibration de haute fréquence qui se propage (voir annexe 1 pour la représentation d’une onde). Cette idée est développée par HUYGENS mais contrariée par NEWTON qui défend une théorie CORPUSCULAIRE . Dans son ouvrage ”La théorie de l’émission”, NEWTON suppose que ”la lumière est constituée par des grains de nature non précisée lancés à très grande vitesse par l’objet lumineux et qui frappent le fond de l’œil ” .

Au début du XIXe SIÈCLE, YOUNG reprend la théorie ondulatoire pour étudier les phénomènes d’interférences.
 
1818 FRESNEL réalise la synthèse des idées de HUYGENS et de YOUNG pour expliquer la diffraction, c’est-à-dire la présence de lumière dans les zones d’ombre géométrique. Selon FRESNEL ”la lumière est propagée par le mouvement vibratoire de l’éther*. Sous l’action de certains ébranlements, l’éther devient le siège de vibrations transversales se propageant de proche en proche ”.
1880 MAXWELL après avoir construit la théorie électromagnétique conclut que la lumière est une onde électromagnétique caractérisée par une vibration dont la fréquence V 14 Hertz et qui se propage dans le vide à une vitesse c=2.99792458 × 10
8ms-1. Il précise que l’onde est transversale, c’est-à-dire que les grandeurs physiques qui la caractérisent: le champ électrique et le champ magnétique , sont perpendiculaires à la direction de propagation.
 

Enfin au XXe SIÈCLE :
1905 EINSTEIN fait subir une révolution à l’Optique en ré-introduisant l’aspect corpusculaire. Pour expliquer l’effet photo émissif il fait intervenir le photon. Dans cette logique est établie la théorie quantique de l’émission: les atomes excités par suite de collisions se désexcitent en émettant des photons.
1924 Louis de BROGLIE postule la dualité onde corpuscule et relie les aspects ONDULATOIRE et CORPUSCULAIRE en posant que l’énergie E du photon vaut: hV-34 J s est la constante de PLANCK. De sorte que pour la lumière visible l’énergie d’un photon vaut quelques électron.volts puisque 1eV = 1.60217733 × 10-19J.





1.2 L’optique géométrique est une approximation 


1.2.1 Emprunts à la théorie ondulatoire de la lumière
 

Grandeurs caractéristiques de l’onde lumineuse
 

On établit théoriquement et expérimentalement (à l’aide d’un prisme ou d’un réseau) que toute onde lumineuse peut être considérée comme la superposition d’ondes sinusoïdales monochromatiques, c’est-à-dire d’une seule couleur, de la forme: ou plus simplement


 est le vecteur d’onde,
A est une constante qui désigne l’amplitude de l’onde* .
W-1 La fréquence correspondante V et est exprimée en Hz.
v est la vitesse de propagation dans le milieu considéré. Dans le vide cette vitesse est c= 8 m.s-1
La période T est égale à  

On définit la longueur d’onde  o dans le vide comme la distance parcourue dans ce cas par la lumière pendant une période : λo = c..T.

La longueur d’onde λT=
λ0/n
 on retiendra que pour 
λ0 = 600nm, V14Hz. Le tableau ci-après indique les correspondances entre les longueurs d’ondes dans le vide et les couleurs :

  De nombreuses sources de lumière comme le soleil ou la lampe à filament de tungstène émettent de la lumière ”blanche” qui couvre tout le spectre visible. Les corps qui reçoivent cette lumière : soit la réfléchissent sans filtrage et paraissent blancs, soit absorbent plus ou moins certaines longueurs et sont vus avec la couleur des longueurs d’onde réfléchies, soit absorbent tout le spectre et apparaissent noirs.

Indice d’un milieu:

-Un milieu est homogène s’il a les mêmes propriétés en tout point.

-Un milieu est isotrope si les propriétés observées en un point ne dépendent pas de la direction d’observation.

-Par définition: l’indice n d’un milieu est égal au rapport de la vitesse c de la lumière dans le vide à la vitesse v de la lumière dans ce milieu.


Pour l’air, n = 1,000293

1.2.2 Diffraction - Concept de rayon lumineux
 

Mise en évidence de la diffraction

On considère un faisceau de lumière qui tombe sur un diaphragme D perpendiculairement à celui-ci. (il s’agit par exemple du soleil éclairant un trou d’aiguille dans un carton dont le plan est perpendiculaire à la direction du soleil ou d’un laser éclairant une fente).

Avec un diaphragme de grande dimension on obtient sur un écran d’observation une tache lumineuse représentative du faisceau découpé par le diaphragme. Par contre, si on réduit l’ouverture, on peut observer de la lumière en dehors du cylindre s’appuyant sur les bords du diaphragme. C’est le phénomène de diffraction parfaitement analysable en optique ondulatoire et schématisé sur



  

Ce phénomène est également observable pour les ondes mécaniques créées à la surface du liquide d’une ”cuve à onde” ou sur la mer à l’entrée d’un port. C’est la diffraction due à la limitation matérielle de l’étendue d’une onde. La diffraction ne s’observe facilement que si la dimension du diaphragme n’est pas trop grande vis-à-vis de la longueur d’onde.
Rayon lumineux

Si on néglige la diffraction dans l’expérience précédente, l’énergie lumineuse se trouve localisée dans le cylindre limité par le trou. On appelle ”RAYON LUMINEUX” la droite obtenue en réduisant les dimensions du diaphragme à un point tout en négligeant la diffraction. Le rayon lumineux s’identifie alors à la normale à la surface d’onde .

La notion de rayon lumineux est une idéalisation car on ne peut pas fermer le trou sans observer, au contraire, une augmentation de l’importance de la diffraction. Mais en optique géométrique on considère que la réalité physique d’un faisceau lumineux peut toujours être décomposée en ”rayons” tant que les dimensions des ouvertures restent assez grandes.

 
1.3 Lois de l’optique géométrique

Ces lois sont très anciennes et fondées sur des observations simples (éclipses, ombre portées ...) pour lesquelles ont peut effectivement négliger la diffraction. Dans ce paragraphe elles sont énoncées comme des principes issus de l’observation. On peut les démontrer sur la base de la théorie ondulatoire de la lumière (on trouvera cette démonstration dans un cours sur les ondes).
 

1.3.1 Propagation rectiligne de la lumière

DANS UN MILIEU HOMOGÈNE ET ISOTROPE LA LUMIÈRE SE PROPAGE EN LIGNE DROITE

Un milieu est homogène si ses propriétés sont les mêmes en tout point et isotrope si elles sont, en un point donné, indépendantes de la direction d’observation.

 
1.3.2 Principe de retour inverse

LE TRAJET SUIVI PAR LA LUMIÈRE EST INDÉPENDANT DU SENS DE PROPAGATION.

 
1.3.3 Lois de Descartes

Etablies en Angleterre par SNELL en 1621 et retrouvées indépendamment en 1637, en France, par DESCARTES d’une manière expérimentale on sait aujourd’hui qu’elles résultent de la nature ondulatoire de la lumière.

Si on considère la surface de deux milieux homogènes isotropes ce dispositif constitue un dioptre. Quand on envoie à partir d’une source située dans le premier milieu (1) un faisceau de lumière incidente, l’expérience permet de distinguer de la lumière réfléchie (celle qui revient dans le milieu (1) ) et (ou) de la lumière réfractée (celle qui passe dans le milieu (2) ).







figure 3

Le plan d’incidence est défini par le rayon d’incidence (A1I) et la normale (IN) à la surface de séparation des deux milieux au point d’incidence I. Le rayon incident fait avec la normale au point d’incidence un angle i1, le rayon réfracté fait avec cette même normale un angle
i2 et le rayon réfléchi un angle géométrique (inférieur à 90o) noté r. Avec ces conventions on a :
 
EN RÉSUME :

1ère LOI : Le rayon réfléchi et le rayon réfracté sont dans le plan d’incidence.

2ème LOI : Les angles d’incidence et de réflexion sont égaux et de sens contraire :

r = -i1                 (1.1)


3ème LOI : Pour chaque lumière monochromatique, les sinus des angles d’incidence et de réfraction sont liés par la relation :

n1 sin i1 = n2sin i2                    (1.2)


Remarque importante : Formellement les lois de la réflexion et de la réfraction se réduisent à
n1 sin i1 = n2sin i2 si on convient de poser n2 = -n1 pour traduire le fait que la lumière se propage en sens contraire après réflexion à la surface de séparation de deux milieux.
 
1.4 LOIS DE KEPLER

Au tout début du XVIIe siècle l’astronome KEPLER avait simplement posé que pour chaque couple de milieux (1) et (2) il existait un rapport constant n entre l’angle d’incidence i1 et l’angle de réfraction i2
:
                   (1.2)



Cette loi n’était que grossièrement vérifiée. Il est aujourd’hui aisé de comprendre qu’elle est une approximation des lois de Descartes, en bon accord avec l’expérience seulement si les angles sont assez petits. En effet dans ce cas on peut confondre les sinus avec les angles exprimés en radians et la troisième loi de Descartes devient très simplement :


n1 i1 = n2 i2               (1.4)


Ceci permet également d’interpréter la constante
n21 introduite par KEPLER comme l’indice relatif du milieu (2) par rapport au milieu (1) égal à n2/n1 
On peut par ailleurs remarquer que très souvent, dans la pratique, un des milieux est l’air. Dans ce cas l’indice relatif du second milieu est pratiquement égal à son indice absolu n.

 
1.5 Systèmes optiques - Objets et images
 

1.5.1 Stigmatisme

Le rôle des instruments d’optique est de permettre d’observer des reproductions appelées images, des objets, aussi fidèles que possible.

Si un système optique, c’est-à-dire, un instrument ou une partie de celui-ci fait passer les rayons issus d’un point objet
A0  en un point  Ai , on dit que  Ai est l’image de  A0 . D’après le principe de retour inverse de la lumière, Ai  et  A0  peuvent échanger leurs rôles c’est pourquoi on dit également que  Ai  et  A0 sont conjugués.

Lorsque les rayons issus d’un point 
A0  qui entrent dans l’instrument en ressortent en passant tous par un point  Ai  on réalise le stigmatisme rigoureux pour le couple de points  A0Ai . Cette propriété est difficile à réaliser même pour des systèmes optiques très simples De plus, mis à part le cas du miroir plan, les surfaces correspondantes ne sont rigoureusement stigmatiques que pour un seul couple de points ce qui limite beaucoup leur intérêt pour la formation des images d’objets étendus.

Par ailleurs le stigmatisme rigoureux est un idéal qui ne tient pas compte :
- des phénomènes de diffraction qui tendent toujours à élargir l’image d’un point
- des caractéristiques du détecteur. La rétine de l’œil, par exemple est formée de cellules de quelques microns de diamètre et deux points lumineux qui sont sur la même cellule ne sont pas distinguées par l’observateur.

Pratiquement on peut se contenter de systèmes optiques qui réalisent un stigmatisme approché, c’est-à-dire qui sont tels que les rayons issus d’un point 
A0  qui entrent dans l’instrument en ressortent en passant tous assez près d’un point Ai à l’échelle du pouvoir séparateur du dispositif d’observation (film photographique, œil ...)
 
1.5.2 Nature des objets et des images

Les objets de la vie courante sont réels. Du point de vue de l’optique, tout point d’un objet réel envoie des rayons lumineux vers la face d’entrée des instruments. Un point objet réel, pour un système optique, est situé avant la face d’entrée de celui-ci, dans le sens de propagation de la lumière.






Figure 4: Objet réel et image réelle pour S


De même, les rayons émergents de la face de sortie du système optique forment une image réelle s’ils passent par ”un point” situé après cette face toujours dans le sens de propagation de la lumière. Expérimentalement une image réelle peut être recueillie sur un écran.

Dans le cas où ce ne sont pas les rayons eux-mêmes mais leurs supports qui passent par ”un point” en sortant de l’instrument, on dit que l’image est virtuelle. Elle ne peut pas être recueillie sur un écran.






Figure 5: Objet réel, image virtuelle pour S



Il est important de bien comprendre que l’image réelle Ai donnée par le système S,comme l’image virtuelle Ai donnée par le système S' peuvent jouer le rôle d’objet réelle pour un système S''comme le montrent les figures 6









Figure 6: Dans les deux cas Ai joue le rôle d’objet réel pour S''


Enfin dans le cas où la face d’entrée d’un système comme S'' intercepte les rayons provenant d’un système donnant une image réelle, le point de convergence des supports des rayons incidents constitue un point objet virtuel pour le système S' ' .






Figure 7: Ai joue le rôle d’objet virtuel pour S”